Chico Buarque, le très grand auteur-compositeur-interprète brésilien, a écrit de nombreuses chansons à la première personne du singulier, avec un "je" féminin, où le "narrateur" est une femme, telles que Anos Doradous,Folhetim.
Voici quatre de ses grands classiques dans cette veine, chantés par les plus grandes interprètes brésiliennes, Nara Leão, Elis Regina et Maria Bethânia et par lui même.
Nara Leão, tout d'abord, la charmante chanteuse qui chanta si bien la bossa nova. Ce fut d'ailleurs elle qui interpréta le premier succès de Chico Buarque, A Banda en 1966. Elle interpréta aussi plus tard son Joao e Maria, sur une musique de Sivuca,
Puis nous écouterons Maria Bethânia, superstar de la MPB, à la voix au timbre si particulier. Elle enregistra tout un album live au côté de Chico Buarque en 1975.
Puis enfin Elis Regina, le genre de femme qui donne son sens à la notion d'interprète comme le firent Janis Joplin, Edith Piaf ou Nina Simone. Pour la petite histoire, Elis Regina avait refusé de chanter les premières chansons de Chico Buarque, le trouvant trop bizarre voire hostile. Il faut dire que lors de leur rencontre, il n'avait pas desserré les lèvres et s'était contenté de la regarder avec un drôle de regard...Elle a aussi chanté Retrato em preto et branco, Pois é et Tatuagem écrites par Chico Buarque.
J'ai mis les quatre chansons choisies dans un certain ordre pour qu'on puisse les lire comme une histoire d'amour. La passion, le grand amour dans sa grandeur quotidienne mais déjà dans l'attente et la souffrance contenue, la rupture violente jusqu'à l'humiliation et la haine, puis la reconstruction ou du moins sa promesse.
Les traductions sauf la première de moi, proviennent du formidable forum bossa nova.
O meu amor, interpretée par Chico Buarque
O mon amour, a une douce manière qui n'est qu'à lui
et qui me rend folle quand il m'embrasse
Ma peau toute entière est prise de chair de poule
Et il m'embrasse lentement et profondément
jusqu'à ce que mon âme se sente embrassée
O mon amour, a une douce manière qui n'est qu'à lui
qui vole ma raison, violente mes oreilles
avec tant de secrets, beaux et indécents
Il me taquine, rit de mon nombril
et me mordille avec ses dents
Je suis sa femme, tu vois ? et il est mon homme
mon corps est témoin du bien qu'il me fait
O mon amour, a une douce manière qui n'est qu'à lui
qui me rend dingue quand il m'effleure la nuque
et me fait presque mal avec la barbe mal rasée
et ses cuisses entre mes cuisses
quand il s'allonge
O mon amour, a une douce manière qui n'est qu'à lui
de me donner le vertige, de m'embrasser les seins
de m'embrasser le ventre et me transformer en charbon ardent
de disposer de mon corps comme si mon corps
était sa maison
Je suis sa femme, tu vois ? et il est mon homme
mon corps est témoin du bien qu'il me fait
O meu amor tem um jeito manso que é só seu E que me deixa louca quando me beija a boca A minha pele toda fica arrepiada E me beija com calma e fundo Até minh'alma se sentir beijada
O meu amor tem um jeito manso que é só seu Que rouba os meus sentidos, viola os meus ouvidos Com tantos segredos lindos e indecentes Depois brinca comigo, ri do meu umbigo E me crava os dentes
Eu sou sua menina, viu? E ele é o meu rapaz Meu corpo é testemunha do bem que ele me faz
O meu amor tem um jeito manso que é só seu Que me deixa maluca, quando me roça a nuca E quase me machuca com a barba mal feita E de pousar as coxas entre as minhas coxas Quando ele se deita
O meu amor tem um jeito manso que é só seu De me fazer rodeios, de me beijar os seios Me beijar o ventre e me deixar em brasa Desfruta do meu corpo como se o meu corpo Fosse a sua casa
Eu sou sua menina, viu? E ele é o meu rapaz Meu corpo é testemunha do bem que ele me faz
Nara Leão chante Com Açúcar, Com Afeto en compagnie de Chico Buarque. Une chanson qu'il avait écrite pour elle.
Chico Buarque - Com Açúcar, Com Afeto (Avec du sucre, avec de l’affection) interprété par Nara Leão
Traduction de Dominique et Vagner:
Avec du sucre, avec de l’affection J’ai fait ton dessert favori Pour que tu restes à la maison pourquoi, pour qui … Dans ton plus beau costume, Tu sors, je ne te crois pas Quand tu dis que tu ne tarderas pas. Tu dis que tu es un travailleur Que tu cours après le salaire pour subvenir à mes besoins pourquoi, pour qui … De retour du bureau, Il y a un bar à tous les coins de rues Pour faire la fête Et je ne sais quoi…
Je sais que quelqu’un va s’approcher, Tu vas engager la conversation en parlant de foot Et tu resteras là, à regarder les jupes De celles qui vivent sur les plages Colorées par le soleil. La nuit tombe, encore un verre, Je sais que grisé, mais pas trop (1) Tu vas vouloir chanter Sur la table (2) un nouvel ami Va rythmer une vieille samba Et tu vas te souvenir Quand la nuit enfin te lasse Tu reviens, comme un enfant Pour supplier mon pardon pourquoi, pour qui!
Tu me demandes de ne pas t’en vouloir, Tu dis que tu vas changer de vie pour me mettre du baume au coeur Et à te voir ainsi fatigué, Mal vêtu et mal traité, Je vais encore me fâcher pourquoi, pour qui … Je fais tout de suite réchauffer ton dîner, J’embrasse ton portrait Et je t'ouvre mes bras.
Com açúcar, com afeto
fiz seu doce predileto Pra você parar em casa
qual o quê! Com seu terno mais bonito
você sai, não acredito Quando diz que não se atrasa Você diz que é um operário
vai em busca do salário Pra poder me sustentar
qual o quê! No caminho da oficina
há um bar em cada esquina Pra você comemorar, sei lá o quê!
Sei que alguém vai sentar junto
você vai puxar assunto Discutindo futebol E ficar olhando as saias
de quem vive pelas praias Coloridas pelo sol Vem a noite e mais um copo
sei que alegre ma non troppo Você vai querer cantar Na caixinha um novo amigo vai bater um samba antigo Pra você rememorar Quando a noite enfim lhe cansa
você vem feito criança Pra chorar o meu perdão
qual o quê!
Diz pra eu não ficar sentida
diz que vai mudar de vida Pra agradar meu coração E ao lhe ver assim cansado
maltrapilho e maltratado Ainda quis me aborrecer?
Qual o quê! Logo vou esquentar seu prato
dou um beijo em seu retrato E abro os meus braços pra você.
(1) Chico, qui a aussi résidé en Italie, utilise l’expression italienne « ma non troppo »
(2) L’auteur dit ‘boite d’allumettes’, qui est la façon la plus naturelle au Brésil de rythmer la samba dans une réunion d’amis.
Une interprétation boulversante d'Elis Regina. Cette chanson possède d'autres versions avec des arrangements plus légers, plus classes, et sans doute moins kitschs par Elis ou Chico lui même, mais c'est néanmoins de loin cette dernière que je préfère.
Chico Buarque & Francis Hime - Atrás da porta (Derrière la porte), interprétée par Elis Regina.
Traduction de Vagner.
Quand tu as bien regardé dans mes yeux
Et ton regard était un regard d’adieu
Je jure que je ne l’ai pas cru.
Je t’ai trouvé bizarre
je me suis penchée sur ton corps et j’ai douté
Et je me suis traînée par terre, je t’ai écorché
Je me suis accroché à tes cheveux
à ta poitrine, ton pyjama,
tes pieds, au pied du lit,
sans caresse, sans couverture,
j’ai attrapé le tapis, derrière la porte.
J’ai râlé à voix basse
Je me suis mise à maudire notre foyer
Pour salir ton nom, pour t’humilier
Pour me venger à n’importe quel prix
en t’adorant à l’envers
Pour te montrer que je suis encore à toi
Seulement pour te prouver que je suis encore à toi
Quando olhaste bem nos olhos meus E o teu olhar era de adeus Juro que não acreditei
eu te estranhei Me debrucei sobre teu corpo e duvidei
E me arrastei e te arranhei E me agarrei nos teus cabelos No teu peito, teu pijama Nos teus pés ao pé da cama Sem carinho, sem coberta No tapete atrás da porta Reclamei baixinho
Dei pra maldizer o nosso lar Pra sujar teu nome, te humilhar E me vingar a qualquer preço Te adorando pelo avesso Pra mostrar que ainda sou tua
Só pra provar que ainda sou tua...
Et enfin, Maria Bethânia qui nous chante Olhos nos Olhos de manière lumineuse et en tout simplicité avec son timbre de voix si unique. Je vous invite aussi à regarder cette version de Chico Buarque accompagné de tout un orchestre avec comme à son habitude, des arrangements sublimes.
Chico Buarque - Olhos nos olhos (Les yeux dans les yeux), interprété par Maria Bethânia
Traduction de Dominique.
Quand tu m’as abandonnée, mon chéri
Tu m’as dis, sois heureuse et "porte toi bien"
J’ai voulu mourir de jalousie, presque devenue folle
Mais ensuite, comme d’habitude, j’ai obéi.
Quand tu voudras me revoir,
Tu me trouveras reconstruite, crois moi
Les yeux dans les yeux je veux voir ce que tu feras
En sentant que sans toi je vais très bien.
Et que j’ai même rajeuni
Que je me mets à chanter, comme ça sans raison
Et que tant d’eau a coulé
Que tant d’hommes m’ont aimée
Bien plus et mieux que toi.
Quand peut-être tu auras besoin de moi,
Tu sais que ma maison sera toujours ouverte, viens oui
Les yeux dans les yeux je veux voir ce que tu dis
Je veux voir comment tu supportes de me voir si heureuse.
Quando você me deixou, meu bem, Me disse pra ser feliz e passar bem. Quis morrer de ciúme, quase enlouqueci, Mas depois, como era de costume, obedeci.
Quando você me quiser rever Já vai me encontrar refeita, pode crer. Olhos nos olhos, Quero ver o que você faz Ao sentir que sem você eu passo bem demais
E que venho até remoçando, Me pego cantando, sem mais, nem por quê. Tantas águas rolaram, Quantos homens me amaram Bem mais e melhor que você.
Quando talvez precisar de mim, Cê sabe que a casa é sempre sua, venha sim. Olhos nos olhos, Quero ver o que você diz. Quero ver como suporta me ver tão feliz.
Et sinon, je pars un mois au Brésil dans quelques jours (Recife, Salvador, Rio, Sao Paulo notamment), tous les bons plans, musicaux et non musicaux sont les bienvenus!