La musique du monde n'existe pas

Publié le 31 Décembre 2007

Le tsunami de « tops de fin d’année » qui vient de submerger la blogosphère me laisse assez perplexe. Pas un blog qui ne met en avant son éclectisme et fait se côtoyer pop indie, asbstract hip-hop et autre néo-bidules. Pourtant, il n’y a pas de grand écart, car tous ces genres font partie de la même grande famille, dont le papa pourrait s’appeler Bach et la maman Négro spiritual.

On retrouve la catégorisation absurde de tous les disquaires qui divisent en genres différents ce qui est fondamentalement apparenté, mais rassemble sous un bizarre « musique du monde » l’immense diversité musicale.On met dans le même panier les musiques populaires, classiques, traditionnelles des quatre coins de la planète ! Le pire est qu’au final la musique du monde devient effectivement un genre à part entière, fait de bonne humeur et de rythmes ensoleillés qui donne une musique chiante, inoffensive et sympathique. On ne risque pas d’être bouleversé en écoutant Amadou et Mariam ou Manu Chao!

Le travers inverse est de présenter les musiques non occidentales avec une vision d’ethnologue : de la musique de cour chinoise en passant par les chants de gorge tibétains, l’écart avec notre culture musicale est tel qu’il faut un effort énorme pour entrer émotionnellement dedans.Entre une vision naïve d’une world music bobo éphémère, et une vision anhistorique de la world music traditionnelle, il ne faut plus s’étonner qu’elle joue dans un autre tableau que les musiques occidentales actuelles, et qu’elle soit ainsi snobée par les critiques malgré leur immense boulimie musicale.

A côté de ça, il est difficile de ne pas voir comment les musiques non occidentales sont partout au sein même la musique occidentale. Outre que la musique des esclaves noirs est un des éléments de toute notre musique populaire, les emprunts et les métissages entre cultures sont une constante assez frappante de l’histoire de la musique et qui n’a sûrement jamais été aussi forte. Le meilleur exemple est peut être la paranda genre traditionnel d’Amérique centrale, synthèse sublime des musiques africaines, amérindienne et européenne. 

Le paradoxe entre l’omniprésence d’artistes qui puisent partout leur inspiration et la couverture si insuffisante de ces même inspirations saute aux yeux! Il n’y a qu’à voir le succès extraordinaire de Beirut dans la blogosphère qui s’inspire de la musique balkane et la couverture ultra faible de cette même musique balkane qui comporte pourtant des stars comme l'immense Goran Bregovic ou le Kocani Orchestar. Au final, pour résoudre le paradoxe, il suffirait peut être de cesser de considérer qu’il y a une différence entre musique occidentale et le reste, et de ranger tout ça dans une grande World music, mais qui ne serait plus traduite par musique du monde mais par musique mondiale.

J’espère que de tout ça, les quelques personnes qui suivent ce blog comprendront mieux ma démarche. Je ne parle pas de trucs tordus et volontairement obscurs, mais simplement de la musique que j’aime et que j’écoute, et il se trouve que c’est une musique un peu plus métissée que les autres.

La prolongement de ce billet: La musique du monde existe (je l'ai rencontré)

Plus: excellent article de David Byrne I hate World music

Rédigé par Boeb'is

Publié dans #Blabla

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B
oui au fond, tout est dans le S! Et cool pour le lien.
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S
C'est marrant j'ai aussi lentement, inéxorablement modifié ma perception / compréhension entre world music et musiques du monde (SanS S paS de Salut).Quant à la catégorisation des gestionnaires de stocks de l'industrie musicale ça ne ressemble, sert à rien ni personneBref je suis d'accord.Linké sur le-gouter ;)
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B
Simon: j'essai aussi de combler ma culture musicale, qui prend l'eau de partout. C'est assez incroyable, car pour un groupe que je découvre il y en a dix qui me font du gringue. Plus je découvre des artistes et des styles plus l'étendue de mon ignorance m'apparait. J'enfonce un peu des portes ouvertes mais c'est vraiment comme ça que je le ressent. C'est à la fois très excitant d'avoir tous ces trucs géniaux à découvrir et à la fois mais aussi un peu desespérant.et merci pour le compliment (sinon GT va me taper, heureusement il doit taper le Golb avant).GT: J'ai essayé de faire ma part de boulot en faisant une compile de musique française avec le billet écris en anglais. Malheureusement, si ce blog sort bien sur google.fr, c'est pas le cas pour les requetes en anglais, donc je sais pas si cette tentative de promotion aura servie.Parfois j'ai peur de promouvoir de la musique un peu nul, car comme tu dis car moins on connait, moins on est exigeant. Et si le rock ou le jazz c'est vaste, les autres musiques sont encore plus variées et donc c'est bien plus long pour se former l'oreille. Finalement je pense que l'important quand on parle de musique est de garder de la mesure. Par exemple, j'ai parlé dernièrement d'une chanson latino qui me fait trop trippé (Kurikitaca), ce n'est certes pas de la Grande Musique (C'est pas Astor Piazzolla quoi!), mais ça vaut quand même le coup d'en parler.Aussi si je parle des musiques non occidentales sur ce blog, malgré le fait que je ne les connaisse qu'assez peu et depuis peu de temps, c'est que il y a une niche. Il y a beaucoup d'autres artistes que j'adore mais de très bons billets existent déjà et je pense pas pouvori faire mieux. J'adore notamment Nico, Robert Wyatt, the Residents, les Doors.. mais c'est vraiment pas évident d'en parler.
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G
Un truc qui m'énerve c'est de jamais savoir si je peux me fier aux compilations qui prétendent donner un apeçu de ces scènes. Je suis tombé sur une compilation de musique française actuelle (rough guide to music of france ou un truc comme ça) et ça fait peur!J'imagine... et c'est vrai qu'il est amusant, parfois, de constater que des gens très pointus dans un style ont des goûts assez ridicules et bateaux dans un autre, parce que justement, ils n'ont pas été "formé" à l'écouter, et en apprécient que quelques clichés. Comme des mélomanes extrêmement exigeants pour le classique, qui apprécient dans le rock quelques artistes insipides... et vice-versa.C'est aussi l'occasion de te signaler que tu as zappé le sympathique message de Simon, faut que je m'occupe de tout... :-)
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S
Je vais écrire un peu la même chose que G.T. mais tant pis: je suis tout à fait d'accord avec toi, bien que je fasse partie de la masse de gens qui n'écoutent et ne font que de la promotion de la musique occidentale. C'est sûr que d'un autre côté la "World music" des 80's ne donne pas envie de s'aventurer très loin. Mais il s'agit de quelque chose de très artificiel.J'essaye déjà de combler un peu le vide de ma culture jazz/blues. Vu que je suis du genre à vouloir tout savoir sur un artiste pour l'écouter, c'est pas facile.En tout cas cet article présente bien la démarche de ton blog, qui est au passage très bien fait.
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